Horreur au Mali: Les Peuls sauvagement massacrés par les "chasseurs qui se confient à Dieu"

Dans la région de Mopti au centre du Mali, 160 villageois d'Ogossagou ont été massacrés lors d'une attaque imputée aux milices de chasseurs Dogons. Cette tuerie touche la communauté ethnique des Peuls, plus grande tribu semi-nomade en Afrique.

1er juin 2019 à 1h19 par La rédaction avec AA

FRANCE MAGHREB 2
Parmi les tribus qui ont adopté l'Islam sur le continent africain, que ce soit au Nigeria, en Guinée
Crédit : Google images

Le massacre, imputé à des Dogons, milice de chasseurs, dans le village d’Ogossagou de la région de Mopti, dans le centre du Mali, samedi 23 mars, a fait 160 victimes. Une tuerie qui s’est déroulée dans une zone en proie à de nombreux conflits intercommunautaires et dont les victimes appartiennent à la communauté ethnique des Peuls, plus grande tribu semi-nomade en Afrique.

Parmi les tribus qui ont adopté l’Islam sur le continent africain, que ce soit au Nigeria, en Guinée, au Sénégal, au Cameroun, en Afrique de l'Ouest et du Centre, y compris au Mali, on estime à plus de 40 millions le nombre de Peuls.

Bien que certains Peuls soient sédentaires, une grande partie d'entre eux continuent de mener une existence d’éleveurs nomades. Les Peuls, qui parcourent de longues distances afin de trouver des prairies et des zones humides pour leur bétail, sont régulièrement confrontés à des heurts avec des agriculteurs et d’autres tribus au cours de leurs voyages.

Les violences entre les communautés peules et les agriculteurs sédentaires au Nigeria sont considérées comme une situation récurrente dans le pays. Ces incidents violents, appelés "affrontements entre bergers et paysans", auraient constitué en 2014 le quatrième conflit le plus meurtrier du monde.

Causes des conflits ethniques

La communauté Dogon, qui aurait participé au massacre d'Ogossagou au Mali, est également engagée dans l'agriculture et la chasse à Bandiagara, une zone localisée dans la partie centrale du pays.

Historiquement, même s'il existe des tensions entre les communautés Peuls et Dogons, qui ont entraîné des conflits parfois violents, elles ont dans un premier temps été apaisées lors de négociations réalisées par l’intermédiaire des "anciens".

Cependant, en 2012, les affrontements avec les groupes armés en quête d'autonomie dans le nord du pays se sont étendus aux zones centrales en 2015. Une situation responsable de l'instabilité que connaît actuellement le territoire.

Samedi 23 mars, des hommes armés vêtus de tenues traditionnelles des chasseurs dogons, ont attaqué le village d'Ogossagou, où vivent des Peuls, tuant 160 civils et blessant un grand nombre de personnes. Les assaillants ont par la suite incendié le village. Un massacre dû à l’émergence des différends communautaires dont plusieurs facteurs conjugués en seraient responsables. 

En effet, l’affaiblissement de la domination de l'État dans la région de Mopti et la montée de la violence ont favorisé la mise en place de groupes d’autodéfense. En outre, les conflits ont commencé à s'intensifier en raison d'une diminution de la présence de l'État dans la région et de manquements au sein même de la souveraineté territoriale.

Aussi, les efforts des tribus pour se dominer les unes les autres ont entraîné une augmentation des conflits et de la violence dans la région.

Les Dogons, qui luttent contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), accusent les Peuls de soutenir les groupes terroristes. Quant aux Peuls qui dénoncent des exactions de la part des groupes d’autodéfense dogons, affirment que ces derniers bénéficient du soutien du gouvernement.

Création de milices avec l'appui de l’État:

L'absence de forces armées dans des villes comme Mopti, Tombouctou et Ségou, en particulier dans la capitale du Mali, Bamako, a entraîné une augmentation du nombre des organisations terroristes et des groupes rebelles dans la région.

De surcroît, plus de 50 000 personnes ont dû fuir à cause des affrontements entre le nord et le centre du pays et de la violence intertribale.

Critiqué par ses voisins et partenaires pour ne pas avoir suffisamment essayé de lutter contre le terrorisme, les autorités maliennes sont accusées de ne pas avoir empêché la création de milices armées malgré la signature de l’accord de paix d’Alger en 2015.

Le gouvernement aurait apporté son soutien en matière d'armement aux forces paramilitaires mises en place par des personnes qui savaient utiliser les armes afin d’assurer la sécurité et poursuivre la lutte avec les rebelles, les groupes terroristes et les groupes qui se sont réconciliés avec l’administration.

Les milices créées sur la base de la communauté ethnique étaient composées de personnes qui n'étaient pas formées aux droits de l'homme, loin de la discipline et des responsabilités de l’armée.

La milice Dana Amassagou, tenue pour responsable du massacre du village d'Ogossagou, qui signifie "chasseurs qui se confient à Dieu", est un groupe d’autodéfense dogon fondé en 2016.

Le groupe a accusé les Peuls de soutenir des groupes terroristes et, l'année dernière, il a été reproché à ce dernier d’avoir mené de nombreuses attaques contre les villages habités par des Peuls.

Bien que les Dogons aient rejeté les allégations, le gouvernement malien a ordonné la dissolution de Dana Amassagou au lendemain du massacre commis à Ogossagou.

Les Peuls ont également fondé l’Alliance pour le salut au Sahel (ASS) pour protéger la communauté contre les attaques menées par des groupes armés au Mali et au Burkina Faso.

Sécurisation par les forces de l'ONU et les forces françaises:

Le nord et le centre du Mali sont le théâtre de conflits séparatistes et d'attaques terroristes depuis 2012. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), qui a été créée sous la direction des Nations Unies (ONU) et le déploiement par la France de plus de quatre mille soldats mobilisés dans l'opération "Barkhane", n’ont jusqu’à présent pas permis de rétablir la paix sur le territoire.

Les différends politiques et communautaires continuent d'alimenter les tensions dans le nord du Mali, sapant ainsi la mise en œuvre de l'accord de paix.