Féminisme et laïcité, le fourvoiement des grands principes

Ce 8 mars nombreux sont les pays à l'instar de la France à célébrer la 42ème Journée Internationale des Droits des Femmes, l'occasion de revenir sur un mouvement, le féminisme, qui prône l'égalité et va de pair avec un autre grand principe qu'est celui de la laïcité.

23 mars 2019 à 21h03 par La rédaction avec Anadolu Agency

FRANCE MAGHREB 2

Célébrée à travers le monde, la Journée Internationale pour les Droits des Femmes se tient chaque année à la date du 8 mars.

Officialisée par les Nations Unies en 1977, cette commémoration qui met à l’honneur les femmes mais surtout leurs droits, trouve ses origines au début du 20ème siècle, période à laquelle les premières manifestations afin de revendiquer le droit de vote des femmes émergent à travers les continents européen et américain.

Commémoration des droits acquis ces dernières décennies ou rappel des combats qu’il reste à mener au nom des femmes à travers le monde, cette journée se rapporte aussi à cette pensée émancipatrice qu’est le féminisme et les principes qui s’y réfèrent tels que l’égalité des sexes sur les plans politique, économique, culturel et social.

Un combat pour une forme de libéralisme qui se conjugue au féminin dans une société qui se plie historiquement aux contraintes sociales de la domination masculine. Mais aussi un idéal qui repose sur la promotion de l’égalité et de la liberté et qui suppose intrinsèquement le respect de la laïcité.

Si pensée féministe il y existe elle va de pair avec la laïcité. En effet, le féminisme, à l’instar de la laïcité, repose sur le respect des droits et des libertés et ce, au delà des différences pour une égalité sociale. Il est donc légitime de penser qu’une société qui promeut le féminisme lutte pour les femmes dans leur ensemble sans distinction de race, d’appartenance religieuse, d’origine sociale ou autre.

Alors qu’en est-il en France, dont l’interprétation de la laïcité a été dénaturée au fil des années allant même jusqu’à être utilisée pour mettre au ban de la société les femmes qui ont fait le choix d’afficher leur appartenance religieuse ? Car il suffit, par exemple, de se pencher sur les dernières polémiques autour de la femme musulmane et de ses atours, pour se rendre compte que cette dernière demeure sur le devant de la scène malgré elle et au mépris de ses droits les plus fondamentaux comme celui de se vêtir comme elle le souhaite.

Tantôt fustigée pour avoir chanté sur une chaîne publique, pour oser vouloir accompagner son enfant en sortie scolaire ou encore avoir la volonté d’accéder à une plage comme bon nombre de Français.es. en période estivale, en France, la femme musulmane voilée est victime d’un acharnement politique et médiatique qui trouve ses racines dans une forme de féminisme détourné. Car au-delà de ces affaires qui sont symptomatiques d’un malaise sociétal, surmédiatisées à des fins politiques, elles permettent de faire la lumière sur un ‘’néo-féminisme’’ qui choisit ses causes et parfois même, lutte contre la volonté de certaines femmes et ce, en total contradiction avec les valeurs que défend le mouvement.

Ainsi, au nom des femmes, des personnalités publiques expliquent à celles qui ont fait le choix de rendre visible leur spiritualité, que d’une certaine manière elle n’ont pas leur place dans cette société.

A l’instar d’Aurore Bergé, actuelle porte-parole de La République en marche, qui s’exprimait sur Twitter au sujet du ‘’hijab’’ de running commercialisé par l’enseigne Decathlon et qui a provoqué une levée de boucliers dans la classe politique: « Mon choix de femme et de citoyenne sera de ne plus faire confiance à Decathlon, marque qui rompt avec nos valeurs ». Des paroles sans équivoque qui une fois de plus placent la femme musulmane en dehors du cadre démocratique et social. Le vivre ensemble est bafoué sous couvert de respect des droits des femmes.

Néanmoins, d’autres tentent de rappeler les concepts de laïcité, censée garantir la liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public, comme Aurélien Taché, député LREM du Val-d’Oise, qui avait partagé sur les réseaux sociaux: « La laïcité, ce n’est pas l’athéïsme d’État. Cette obsession du voile et de l’islam […] est une exception française dont on se passerait bien ». Une prise de position décriée par l’opinion publique qui accuse leurs auteurs de faire preuve de complaisance avec la communauté musulmane jusqu’à les rendre coupable de connivence avec le radicalisme.

La combinaison de cette laïcité falsifiée et d’un féminisme sélectif, qui semble finalement engendrer plus de victimes qu’elle ne vient en aide, rappelle que parmi les fardeaux que connaissent les femmes, celui du regard de la société qui pèse sur elles, ne peut être ressenti que comme une entrave à leur liberté d'être soi. Une vision réduite qui occulte tout et réduit la femme à un simple bout de tissus.

Un voile, qui au-delà de couvrir les femmes de confession musulmane, ne doit pas occulter les chiffres des inégalités femmes-hommes. Car les chiffres parlent d’eux-mêmes, en 2018 selon le Secrétariat d'État chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, l’écart moyen de rémunération reste d’environ 25 % et les femmes continuent d’accomplir les trois quarts des tâches domestiques.

De plus, près d’un an après le mouvement #BalanceTonPorc et plus récemment les révélations au sujet de « la Ligue du LOL », qui ont provoqué une vague de libération de la parole des femmes, les chiffres collectés par le ministère de la Justice, font état d’une hausse de 13% des enquêtes pour des infractions sexuelles par rapport à l’année précédente.

En outre, selon ce même rapport, la hausse la plus significative concerne les enquêtes pour harcèlements sexuels (+ 35%), suivies des affaires de viols (+ 14%) et d’agressions sexuelles (+ 11%).

Aussi est-il a noter que selon la Secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, 30 femmes ont été tuées en France par leur compagnon ou ex-compagnon depuis le début de l’année.