Sahara marocain -"occidental" : une nouvelle audience devant la cour de justice de l'Union Européenne, au Luxembourg

Le conflit du Sahara Marocain (selon la terminologie marocaine) ou Sahara occidental (selon la terminologie internationale) revient devant la justice européenne, ce 3 mars 2021. Objet du contentieux : le traité commercial signé, 16 Janvier 2019, entre l'Union Européenne et le Maroc, traité qui autorise à Rabat d'exporter des produits agricoles produits dans le territoire contesté.

5 mars 2021 à 15h30 par Tarek Mami

FRANCE MAGHREB 2
La cour de justice de l'union européenne, installée au Luxembourg
Crédit : RD

Bis-Repetita

Le 25 février 2016, le Polisario avait remporté une première manche quand la Cour de justice de l’Union européenne, CJUE qui siège au Luxembourg, avait annulé un accord agricole passé entre le Maroc et l’Union Européenne, et déclarait que cet accord ne pouvait s’appliquer au Sahara occidental. Depuis cette date le Parlement européen a, d’après l’Avocat Gille DEVERS, contourné cet avis en adoptant, en janvier 2019, un texte étendant au territoire disputé, les tarifs douaniers préférentiels octroyés par un accord signé en 2012 entre l’UE et le Maroc.

Devant cet état de fait, qui viole, selon Maitre Devers, la décision de la Cour de justice de l’UE citée, le Front Polisario, mouvement indépendantiste sahraoui, qui refuse le rattachement de fait de l’ancienne colonie espagnole (1884 – 1975) par le Maroc et exige un referendum d’auto-détermination de la population sahraouie, a décidé de ré-saisir, la Cour de justice de l’UE, pour contester le traité commercial signé entre l’UE et le Maroc, qui permet à Rabat d’exporter des produits agricoles de l’ancienne colonie espagnole. Une audience s’est ouverte ce mardi, et pour deux jours, pour dénoncer devant cette Cour du Luxembourg, la mise en place des tarifs douaniers préférentiels accordés aux produits du Sahara occidental importés sur le marché européen.

Imbroglio diplomatique

La « question sahraouie », est aujourd’hui âgée de 46 ans, consécutive à la marche verte du 6 novembre 1975. Depuis cette date, ce territoire de 266.000 km2, coincé entre le nord de la Mauritanie, et le sud du Maroc avec une large façade maritime, sur l’océan atlantique, fait l’objet de rudes batailles, d’abord militaire jusqu’à la signature d’un cessez le feu en 1991, et ensuite diplomatiques tant sur le continent africain, au sein de l’union africaine, qu’à l’échelle internationale, et au sein des nations unis.

Ce territoire constitue, actuellement, le dernier territoire du continent africain dont le statut postcolonial n’est pas encore réglé avec l’assentiment de toutes les parties, en présence, est aujourd’hui, de fait, contrôlé par le Maroc, pour près de 80% à l’ouest du territoire, et sur la façade maritime, et par le Front Polisario pour près de 20% à l’est, à l’ouest de l’Algérie, les deux parties étant séparé par un mur de sable et une zone tampon sous contrôle des Casques bleus de l’ONU. Historiquement, le Sahara occidental est inscrit par l’organisation des nations unies (ONU), en 1963 à la demande du Maroc, sur la liste des territoires à décoloniser.

L'assemblée générale de l’ONU, du 17 décembre 1966, a reconnu, par la résolution 2072, le droit du peuple Sahraoui, à l'autodétermination. En 1975 un avis consultatif de la Cour Internationale de Justice déclare « les éléments portés à sa connaissance n’établissent l’existence d’aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara Occidental d’une part, le Royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien, d’autre part ».

A ces longues batailles diplomatiques, avec la reconnaissance du Polisario par l’Union Africaine en 1982, la sortie du Maroc de cette Union en 1984, et le retour du Maroc à cette même Union en 2017, l’initiative unilatérale américaine du Président Donald TRUMP, du 10 décembre 2020, est venu bousculer la donne, à quelques jours de la fin de son mandat, en reconnaissant la souveraineté marocaine en … "contrepartie de la reconnaissance de l’état israélien par le … Maroc", sur l’ancienne colonie espagnole. Cette reconnaissance unilatérale brise le consensus international sur le statut actuel du territoire disputé, complique la donne et donne des lectures diverses et variées, qui vont jusqu’à la dénonciation d’une reconnaissance et la validation par le Président américain Trump d’une « double colonisation, l’une israélienne et l’autre marocaine ».

Imbroglio économico-judiciaire

A l’imbroglio diplomatique s’ajoute un Imbroglio judiciaire sur fond économique. A la décision de la Cour de justice de l’Union Européenne intervenue fin 2016, et remporté par le Front Polisario s’ajoute la procédure en cours et cette nouvelle manche devant cette même Cour. Côté Polisario, et par la voix de son avocat, Me Gilles Devers, le mouvement indépendantiste dénonce un « pillage » de ses ressources, «un vol de marchandises pour financer la politique d’annexion» du Sahara occidental par Rabat. « Occupez-vous de vos affaires. Laissez-nous tranquilles », lance Me Devers devant les juges européens. Pour nous, le problème avait « été réglé », en 2016. Côté Union européenne, (instance représentant les 27 pays membres), l’Avocat Vincent Piessevaux conteste la recevabilité du recours introduit par le Polisario.

La France, la Commission européenne et la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader) marchent dans les pas de l’Avocat de l’Union européenne. L’ensemble de ces Avocats plaident d’une seule voix : « Le requérant n’est pas une personne morale ayant la capacité juridique », affirme l’Avocat du Conseil de l’Union Européenne. « Il n’a jamais été reconnu comme interlocuteur de l’Union », plaide ce juriste.

L’Avocate de la Comader, (Confédération marocaine de l’agriculture), Nathalie Colin, plaide que le Front Polisario « n’est pas le représentant unique du peuple sahraoui », avant de reprocher à l’Avocat Gilles DEVERS, avocat du Front Polisario de chercher à obtenir que la justice européenne « interfère dans une procédure en cours devant les Nations unies » (sur la définition du statut de l’ex-colonie espagnole et la question du referendum et la composition du corps électoral, pomme de discorde entre le Royaume marocain et le Front Polisario), ce qui « n’est pas son rôle ». Les plaidoiries se continuent sur ce nouveau recours introduit par le Front Polisario. L’Arrêt - jugement - sera mis en délibéré et le jugement sera rendu dans plusieurs mois. (Nous y reviendrons)

 Tarek Mami