Soudan : quand la dispersion d’un Sit-in dégénère fait 30 morts, l’ONU alerté par Londres et Berlin

La situation a dégénéré au Soudan lundi en prenant une tournure violente lors de la dispersion "par la force" d'un sit-in, à Khartoum, du mouvement de contestation du Conseil militaire de transition au pouvoir, ce qui a engendré au moins une trentaine de morts.

4 juin 2019 à 1h10 par La rédaction avec APS

FRANCE MAGHREB 2

Ce développement intervient après que les manifestants, qui réclament depuis des semaines un transfert du pouvoir aux civils, ont mis le feu à des pneus et érigé des petits murets avec des briques sur des routes accédant au lieu du sit-in, ainsi que sur d'autres axes de la capitale.

Selon le comité central des médecins soudanais, proche du mouvement de contestation, les forces de l'ordre ont elles tiré dans l'hôpital Charq al Nil et empêché l'accès au Royal Care, un autre établissement hospitalier de la capitale.

Des tirs provenant du lieu du sit-in avaient été entendus tôt en matinée, et un déploiement important des forces de sécurité avait été enregistré dans les rues de la capitale.

"Une tentative du Conseil militaire de faire disperser le sit-in par la force est en cours", a ensuite déclaré dans un communiqué l'Association des professionnels soudanais (SPA), acteur majeur de la contestation.

Selon le Comité central des médecins soudanais, proche de la contestation, cette dispersion a fait"au moins 30 morts" et des "centaines de blessés". 

Pour sa part, le Conseil militaire de transition a démenti avoir dispersé le sit-in de protestation à Khartoum "par la force". "Nous n'avons pas dispersé le sit-in par la force", a dit un porte-parole du Conseil, le général Shamseddine Kabbashi, à des médias. "Les tentes sont là et les jeunes peuvent y circuler librement", a-t-il assuré.

Les relations entre les deux camps se sont tendues à la suite de l'échec le 20 mai des négociations, suivies des mises en garde du Conseil militaire de transition qui dirige le pays depuis le 11 avril, date de la destitution sous la pression populaire du président Omar el-Béchir, déclenchée le 19 décembre par la décision des autorités de tripler le prix du pain dans un pays miné par une grave crise économique.

Appels à "la désobéissance civile totale"

Dans ce contexte, des appels ont été lancés à la "désobéissance civile" dans tout le pays et à "renverser" le Conseil militaire.

La SPA a condamné un "massacre" et appelé les Soudanais à "la désobéissance civile totale pour renverser le Conseil militaire perfide et meurtrier".

L'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation dont fait partie la SPA, a appelé à l'"intervention urgente" d'organisations humanitaires citant la Croix-Rouge, le Croissant-Rouge et Médecins sans frontières (MSF).

Elle a également appelé dans un communiqué à des "marches pacifiques et des cortèges dans les quartiers, les villes, les villages", et à "renverser le Conseil militaire".

L'ambassade américaine a réagi sur Twitter en exhortant le Conseil militaire à "cesser" cette opération "injustifiée". Le Conseil militaire en "porte la responsabilité", a-t-elle prévenu.

Depuis le 6 avril, des milliers de manifestants campent devant le siège de l'armée. Après avoir demandé le soutien des militaires contre le président Omar el-Béchir, ils réclament désormais le départ du pouvoir du Conseil militaire de transition.

Des négociations entre les deux camps visant à former un Conseil souverain, censé assurer la transition politique pour trois ans, ont échoué le 20 mai.

Depuis lors, le Conseil militaire a dénoncé des débordements autour du sit-in, les qualifiant de "menace pour la sécurité et la paix publiques", et a promis d'agir "avec détermination" pour faire cesser cette situation.

Plusieurs personnes ont été tuées ces derniers jours dans des circonstances peu claires à proximité du lieu du sit-in.

Des soldats et des agents des forces de sécurité avaient été déployés samedi autour de la rue du Nil, près du lieu du sit-in, empêchant l'accès à cette zone.

La SPA avait accusé le même jour les militaires de "planifier de façon systématique et de s'employer à disperser le sit-in pacifique (...) avec une force et une violence excessives".

Une grève générale a été observée les 28 et 29 mai à travers le pays par le mouvement de contestation, mobilisant divers secteurs d'activité, pour tenter de faire plier le pouvoir militaire.

Le chef du Conseil militaire, Abdel Fattah al-Burhane, s'est rendu récemment en Egypte, aux Emirats arabes unis et en Arabie saoudite, trois pays qui lui ont affiché leur soutien.